Promouvoir le sabotage, aider la police?

by | Sep 9, 2020 | Stratégies | 0 comments

Depuis la création de notre blog, nous avons reçu quelques messages et commentaires nous suspectant d’être les suppôts de la DGSI. Dans notre fourberie, nous diffuserions des messages subversif afin de pousser les potentiels causeurs de trouble à la faute.

Faut il être parano pour survivre face à la surveillance policière ? Comment ne pas laisser la peur paralyser nos dires et actes ?

Être surveillé, être parano

On nous suspecte d’être une« filiale de la DGSI », car nous discutons notamment de stratégies illégales. Est-ce de la paranoïa ? Pas vraiment.

De fait, nous ne pouvons ignorer le niveau de surveillance auquel est soumis le mouvement écologiste.

Sur internet

Sur internet, il ne vous sera probablement pas surprenant de savoir que vos faits et gestes sont suivi 2Une lecture du guide d’autodéfense numérique donnera une idée des moyens d’espionnage à disposition ainsi que des méthodes utilisées, extra-légales comme légales.. De fait, la pratique de surveillance généralisée opérée par la NSA et qui fut dénoncée par plusieurs lanceurs d’alerte est maintenant légale en France. Les services de sécurité français sont désormais autorisés à mettre en place dans le réseau des fournisseurs d’accès à Internet des outils pour analyser l’ensemble du trafic web pour « détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste » 3République française, Code de la sécurité intérieure, article L851-3 https://www. legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000030939246&cidTexte= LEGITEXT000025503132

Dans la vrai vie

Marc Kennedy, policier tatoué aux cheveux longs, a infiltré des mouvements écologistes de gauche pendant 7 ans,

Mais la surveillance ne se limite pas au monde virtuel. On sait que des policiers soudoient des militants pour obtenir des informations sur leur camarades 4un recensement des infiltrations, réussies et ratées, en France, Suisse et Belgique peut être trouvé ici https://iaata.info/Quelques-histoires-d-infiltrations-et-de-balances-en-Europe-depuis-quinze-ans-3548.html[.mfn], que des AG sont filmées grâce à des caméras cachées dans des boutons de chemise 4https://benjaltf4.me/tag/camera-cachee-infiltration-police/. On sait que des policiers endossent de fausses identités pour infiltrer le mouvement. Marc Kennedy par exemple, policier tatoué aux cheveux longs, a infiltré des mouvements écologistes de gauche pendant 7 ans, en Europe et en Amérique du Nord. Sa couverture fut découverte par une autre militante : sa petite amie 5https://www.lesinrocks.com/2012/03/13/actualite/actualite/mark-kennedy-la-taupe-de-tarnac/.

Multinationales espionne

L’espionnage et l’infiltration de mouvements écologistes ne sont d’ailleurs pas le seul apanage de la police. En 2011, EDF est condamnée à 1,5 million d’euros pour avoir espionné Greenpeace via un piratage informatique6https://www.swissinfo.ch/fre/toute-l-actu-en-bref/espionnage-de-greenpeace–edf-condamn%C3%A9-%C3%A0-1-5-million-d-amende/31540742. TransCanada, en association avec la police américaine, avait également envoyé des agents s’infiltrer dans les mouvements anti-fracking au Canada, pour défendre ses intérêts économiques et anticiper les actions des militants écologistes 7https://www.earthisland.org/journal/index.php/articles/entry/undercover_agents_infiltrated_tar_sands_resistance_camp_to_break_up_planned/

C’est donc raisonnable de supposer qu’un mouvement écologiste est surveillé, infiltré et manipulé.
J'écris ça, mais en réalité je trouve que c'est absolument incroyable. Ça vous choque vous ?x
Il est également raisonnable de supposer que certains des « militant.es » sont en réalités des policiers. Pour autant, cela ne doit pas se transformer en omerta : il nécessaire d’échanger sur les stratégies militantes qui pourrait permettre au mouvement écologiste de remporter des victoires.

À lire ensuite:
Arrêter de perdre nos luttes : De la guerre d'usure à l'échec en cascade

De l’importance de discuter stratégie

Il est essentiel d’échanger sur les méthodes, tactiques et stratégies, y compris illégales, à mettre en œuvre pour arrêter la destruction du vivant. Nous ne pouvons pas demander à chaque militant de réinventer la roue

Les écologistes sont historiquement en minorité, ielles sont condamné.es à affronter plus forts, mieux équipés. Seuls des principes solides de tactique et de stratégie peuvent nous donner l’avantage et nous permettre de remporter des victoires.

Nous devons apprendre des erreurs des autres pour construire un mouvement plus fort. Et cela passe par de l’échange d’idée.

Nous n’avons pas les ressources pour nous permettre que chaque militant.es fasse les mêmes erreurs. Ruby et Jessica avaient une mauvaise culture de sécurité, elles risquent maintenant de passer des dizaines d’années en prison. Nous ne pouvons pas condamner chaque militant.e écologiste au même sort. Nous devons apprendre des erreurs des autres pour construire un mouvement plus fort. Et cela passe par de l’échange d’idée.

Cet échange doit être le plus large possible. Il doit être large pour favoriser la multiplication des idées et des principes de stratégie s’appliquant à l’écologie. Il doit être large pour être accessible à toute personne désirant avoir l’information.

Pour que toute personne intéressée ait accès aux débats, réflexions et acquis sur ces questions, nous ne pouvons pas nous permettre de cantonner ces informations au cercle restreint du « dark-web ». Si les futurs militants se baladent sur Facebook, alors cette information doit se trouver sur Facebook.

Cloisonner les rôles, séparer les actions

Notre objectif est donc de naviguer entre ces deux contraintes : d’une part, éviter les dangers liés à surveillance policière, d’autre part diffuser certaines connaissance et opinion au plus grand nombre.

Choisir son rôle

Aujourd’hui, discuter de la pertinence et de l’efficacité d’actions illégales n’est pas interdit, les risques juridiques encourus sont relativement faibles. Par contre, ils mènent très certainement à une surveillance accrue des porte-paroles.

À lire ensuite:
Panne électrique – les impacts d’une attaque physique sur le réseau électrique.

Je peux très bien défendre l’intérêt du sabotage publiquement. Par contre, si je compte réaliser une action de sabotage, j’ai intérêt à n’avoir jamais pris la parole sur le sujet.

Dit autrement, je peux très bien défendre l’intérêt du sabotage publiquement. Je ne devrais par contre pas être surpris si la police se rend chez moi dès qu’une action de sabotage est réalisée. Si je ne veux pas terminer ma vie en prison, j’ai intérêt à n’avoir absolument rien à voir avec ce sabotage; c’est à dire, de ne pas l’avoir réalisé, mais aussi de ne détenir également aucune information sur ce sabotage.

A l’inverse, si je compte réaliser une action de sabotage, j’ai intérêt à n’avoir jamais pris la parole sur le sujet. J’ai intérêt à ce qu’un maximum de personnes discute et préconise des actions clandestines pour me noyer dans la masse. J’ai intérêt à pouvoir trouver facilement des principe de stratégie.

Les deux branches du mouvement

Plus généralement, le mouvement écologiste peut se séparer en deux branches :

  • La branche publique qui diffuse des messages et réalise des actions symboliques. Elle est surveillée, et considère cela comme un état de fait. Personnellement, je considère en permanence que ce que j’écris pourrait être dit directement devant un agent des renseignements généraux (que je remercie de lire ce blog !)
  • La branche underground réalise des actions directes, donc à fort risque juridique. De ce fait, elle observe la plus grande rigueur pour préserver son anonymat et échapper à la surveillance.

La branche publique ne sait rien de la branche underground pour ne pas la mettre en danger.

Pour conclure

Une bonne culture de sécurité est conçue pour augmenter les chances de succès du mouvement écologiste. Il est certainement important de ne pas se faire arrêter pour être efficace… Mais il est également important de discuter de l’efficacité des modes d’action. Une bonne culture de sécurité permet donc à la fois l’anonymat des personnes prenant des risques et le partage d’idée des personnes n’en prenant pas.

À ce stade, vous aurez compris dans quelle branche se situe vert-résistance. En tant que militant.es de la « branche publique », il importe donc peu que nous ne soyons pas financé.es par la DGSI ou le KGB, nous nous savons dans tous les cas surveillé.es.

Pour autant, tant que nous participons au débat public sur le sabotage, nous multiplions les voix sur le sujet, et nous l’espérons, améliorons l’efficacité du mouvement écologiste.

Pour aller plus loin :

Guide d’autodéfense numérique (lien externe)
La culture de sécurité (télécharger pdf)

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Samuel

Samuel

Auteur

Militant écologiste, Samuel fait des conférences et interventions au sujet de la crise environnemental et des stratégies militantes.
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