Sommes nous devenus inhumains ?

Les constats se font toujours plus alarmants, les annonces toujours plus pressées. Les espèces qui ne sont pas en train de disparaitre font figure d’exceptions. Les disparitions d’espèce défilent comme des avis mortuaires quotidiens. Face à cela, la tendance globale est à l’indifférence, nous faisons quelques marches pour le “climat”.

Il faut dire que la nature a « disparu » de notre vision depuis bien longtemps. Personne ne s’attend à rencontrer cerfs, ours et truites dans le parc du centre-ville. Les rats et pigeons sont les quelques animaux vivants que nous croisons encore. Même les paysages ruraux sont aménagés à l’extrême, les monocultures ont des ambiances de parking. Il est aussi inimaginable de voir apparaitre un élan ou un loup de ces “bétons verts” que de les voir dans un supermarché.

Pour la large majorité de la population, urbaine 1 en 2020, 81 % de la population française est urbaine https://fr.statista.com/statistiques/473802/part-population-urbaine-france/ , les animaux et la flore sauvage sont une réalité lointaine, comme celle d’une guerre à l’autre bout du globe.

Pour les rares animaux que nous étions habitués à voir une génération auparavant, nous nous sommes déjà habitués à leur absence 2 ce phénomène, documenté, s’appelle le « shifting baseline syndrom » https://www.zsl.org/blogs/science/spot-the-difference-shifting-baseline-syndrome-in-our-own-backyard . Nous voyons des espèces rares disparaitre sans grands émois : après tout, elles étaient en voie d’extinction, n’était-ce pas leur destinée ?

Nous oublions que ces espèces rares furent une fois répandues, parfois à l’échelle continentale ; qu’elles furent considérées comme communes voir invasives.

Les bêtes sauvages font partie de l’imaginaire, elles appartiennent à ces fictions que sont les documentaires animaliers, seul endroit où nous les croisons encore. Ce que nous ne réalisons pas, c’est que les animaux que nous voyons sur nos écrans, s’ils furent une fois bien réels, n’existent plus ailleurs que sur ces écrans.

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Si un attaquant s’en prenait à votre famille, vos ami-es et proches, personne ne devrait faire la démonstration des « services » qu’ils et elles vous apportent pour que vous vouliez les défendre.

Loin des yeux … nous n’avons aucun attachement aux animaux et plantes que nous détruisons. Nous ne tuons pas des animaux : nous perdons des pourcentages de population. Nous perdons de la biodiversité et des services écologiques. Nous devons passer par des artefacts chiffrés pour nous rendre compte des dommages occasionnés par l’humain.

Nous faut-il vraiment développer des arguments chiffrés pour expliquer que détruire une forêt et toutes les vies qu’elle contient n’est pas acceptable ? Sommes nous suffisamment désensibilisés pour croire qu’une forêt tuée peut être « compensée » ? Pensez une seconde à l’idée de « compenser » votre défunte mère par une inconnue. Partez admirer un instant un écosystème pour comprendre ce que nous détruisons.

Ces populations tuées ou condamnées par nos actions devraient nous révolter. Nous ne devrions pas avoir besoin de longs graphiques et d’un énième rapport pour comprendre que tout cela est inacceptable. Si un attaquant s’en prenait à votre famille, vos ami-es et proches, personne ne devrait faire la démonstration des « services » qu’ils et elles vous apportent pour que vous vouliez les défendre.


Toutes ces vies ont de la valeur en soi. Elles devraient nous donner le courage de nous battre à tout prix.


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Samuel

Samuel

Auteur

Militant écologiste, Samuel fait des conférences et interventions au sujet de la crise environnemental et des stratégies militantes.
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